Décès de l’Amiral Brac de la Perrière
C’est avec une profonde tristesse et une très grande émotion que j’apprends le récent décès de l’amiral (2S) Brac de la Perrière. A titre personnel pour avoir eu l’honneur de servir sous ses ordres alors qu’il commandait le P.H. ’’Jeanne d’Arc’’ mais aussi vis-à-vis du (...)
Le "Landing Craft" : technique en opération
Les embarcations de petite taille destinées au transport d’hommes, de véhicules et de matériel vers les plages - principalement les L.C.V.P. (Landing Craft Vehicle Personnel) américains et les L.C.A. (Landing Craft Assault) anglais - constituaient bel et bien l’un des aspects tout à fait spécifique aux opérations amphibies. En effet, ces bateaux n’étaient pas uniquement destinés à débarquer les premières vagues d’assaut sur le rivage. Dans un deuxième temps, ils devaient aussi être en mesure d’assurer l’acheminement régulier de renforts en hommes et en matériel à destination des plages. Ces opérations en première ligne sous le feu direct de l’ennemi furent souvent confiées au Corps des Coast Guard durant tout la seconde guerre mondiale.
La manœuvre de tels engins de débarquement dans les vagues s’avère extrêmement délicate, notamment par mer agitée. A l’évidence, une technique loin d’être d’acquise par l’ensemble des équipages de l’US Navy, contrairement à ceux des Coast Guard. En effet, le pilotage très particulier de ce type d’engin faisait déjà partie de l’enseignement reçu dans l’ensemble des postes de sauvetage en mer, à l’origine de la raison d’être de cette unité. Il en résultait une capacité de l’ensemble des équipages des Coast Guard à pouvoir manœuvrer ces bateaux dans des conditions extrêmes, bénéficiant d’une sorte de "sixième sens" résultant d’un entraînement long et rigoureux.
Cette expérience s’avéra extrêmement bénéfique lors des manœuvres d’entraînement réalisées aux Etats-Unis et en Angleterre dans la perspective des différentes opérations de débarquement, y compris en Normandie. Les chefs de bord des engins opérés par les Coast Guard agissent donc comme de véritables conseillers techniques auprès de leurs homologues de l’US Navy, leur enseignant toutes les spécificités liées à la manœuvre de ces embarcations dans les vagues.
Des hommes totalement rompus à ces manœuvres délicates étaient indispensables à tous les stades d’une opération amphibie. Un équipage de L.C.V.P. était normalement constitué de 3 membres : un chef de bord (coxwain) chargé du pilotage proprement dit du bateau, un mécanicien (motor mac) et d’un matelot de proue chargé principalement de la manœuvre de la rampe. Un véritable travail d’équipe qui impliquait une totale coordination pour à la fois d’atteindre et quitter rapidement le rivage dans les meilleures conditions.
Certaines versions de L.C.V.P. affectés au transport de troupes pouvaient être mis à l’eau déjà chargés, ce qui nécessitait toutefois l’emploi de bossoirs spéciaux. Ceux affectés au transport mixte de matériel et d’infanterie étaient mis à l’eau vides, les fantassins rejoignant l’embarcation dans un deuxième temps grâce à un d’immenses filets déployés le long des flancs des navires de transport. Lors de cette manœuvre extrêmement délicate, le chef de bord devait veiller à maintenir le L.C.V.P. le long du navire, aidé par le matelot de proue qui maintenait le filet. Si une telle manœuvre s’avérait relativement aisée par temps calme, elle devenait cependant une véritable prouesse par mer agitée.
Avant de s’éloigner des navires de transport ancrés à 10 ou 11 miles au large à l’abri du feu ennemi, les chefs de bord étaient minutieusement "briefés", tels des aviateurs avant une mission de bombardement. On remettait à chacun d’eux instructions et cartes détaillées de leur zone de débarquement. Chaque embarcation se voyait également assignée une position à respecter impérativement dans la vague d’assaut, sous peine de faire échouer toute l’opération : une navigation en ligne composée de plusieurs bateaux de front souvent difficile à tenir compte tenu des difficultés de navigation que l’on imagine : violents courants marins, mines, épaves et autres défenses de plage immergées, bancs de sable, ... Sans parler du feu ennemi de plus en plus dense et précis au fur et à mesure que les bateaux approchent du rivage.
Après avoir quitté les différents navires de transport affectés chacun à une zone de débarquement bien précise, les L.C.V.P. convergeaient alors en longues files vers un point de regroupement établi appelé rendez-vous point, situé suivant le cas à 3.500/4.000 mètres environ du rivage. Une fois sur zone, ils naviguaient alors à vitesse réduite décrivant un large cercle jusqu’à l’arrivée sur place de tous les bateaux constituant la vague d’assaut. C’est seulement à ce moment que celle-ci était formée, encadrée par les vedettes rapides de soutien de type L.C.S. (Landing Craft Support) puissamment armées.
Chaque chef de bord disposait à son bord d’un large panneau portant le numéro de la vague d’assaut d’appartenance ainsi que la position du bateau dans celle-ci. L’officier chargé de la régulation du trafic des vagues d’assaut (boat traffic officer) embarqué à bord des L.C.S. utilisait ces mêmes marquages pour guider ou corriger la position des convois ainsi formés à destination des plages.
Fonçant alors en ligne vers le rivage, un chef de bord efficace arrivait en général - suivant l’état de la mer - à éviter que les troupes embarquées ne soient trop détrempées donc alourdies et gênées lors de l’arrivée à terre. Mais le véritable test était l’arrivée sur la plage : si le bateau abordait trop vite le rivage, il se "perchait" littéralement sur le sable, empêchant son dégagement en marche arrière malgré toute la puissance du moteur "Gray Marine". Il gênait donc l’arrivée de la vague d’assaut suivante, retardant ainsi le bon déroulement de toute l’opération, très précisément minutée en fonctions de différents critères. Un L.C.V.P. se retrouvant par ailleurs en travers du rivage - quelle qu’en soit la raison - prenait alors le risque d’être retourné par les vagues avec tout son chargement.
Le pilote devait réaliser son approche de telle manière que le bateau soit pour ainsi dire "porté" par les dernières vagues déferlantes, telle une planche de surf. Dès que l’embarcation touchait le sol (beaching), le matelot de proue abaissait la rampe tout en veillant au maximum - et autant que faire se peut - à ce que celle-ci ne s’enfonce pas trop lourdement dans le sable. Une fois "beaché", le chef de bord devait maintenir son engin "collé" perpendiculairement au rivage à l’aide du moteur resté en prise avant durant toute l’opération de déchargement qui devait être la plus brève possible. Il faut savoir que durant leur instruction, les équipages des barges d’assaut étaient entraînés pour que l’immobilisation de leur embarcation sur la plage n’excède pas le temps record de 28 secondes !
Les tâches à bord d’un L.C.V.P. étaient variées et exténuantes, l’équipage restant souvent à bord 24h/24 plusieurs jours d’affilée, voire plusieurs semaines en opération dans des conditions très spartiates. Leurs équipages effectuaient d’innombrables allers et retours vers les plages, déchargeant hommes et matériel, prenant repas à bord et effectuant quarts de veille, etc.
Quoiqu’ils aient à subir les dangers spécifiques inhérents à leur mission, l’ensemble des équipages de ces embarcations considéraient cependant que leur tâche était loin d’être aussi périlleuse celle des hommes qu’ils devaient transporter et débarquer sur les plages.